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Le Grand Paris des Habitants

La recherche de notre équipe avait comme objectif de répondre à une volonté gouvernementale : faire « le Grand Paris des habitants » et pas seulement une métropole compétitive au niveau mondial. Elle s’achève au moment où la loi « de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » est votée par l’Assemblée nationale. Ce texte crée une Métropole du Grand Paris correspondant aux quatre départements centraux, le reste de l’agglomération étant composé d’intercommunalités (EPCI) d’au moins 200 000 habitants. Mais a-t-on réellement identifié les territoires dans lesquels les Franciliens vivent, travaillent et se déplacent ?

LA METROPOLE N’EST PAS UN SEUL BASSIN DE VIE
Schématiquement, il existe deux façons de représenter une métropole : comme un seul bassin de vie et d’emploi desservi par un seul grand réseau de transport ou comme un ensemble de territoires interconnectés et interdépendants mais ayant leur dynamique propre.
La première représentation est la plus courante, elle a prévalu dans tous les schémas directeurs et dans la conception des transports publics et routiers. Elle s’applique de surcroît à une des métropoles les plus centralisées et les plus déséquilibrées du monde : la capitale. Très dense et circonscrite par son périphérique, longtemps gérée par l’État, monopolisant l’essentiel de la richesse, un tiers des emplois, un réseau de transport public très dense, elle constitue « l’adresse » au niveau mondial. L’extension du centre tertiaire vers l’ouest et la création, dans les années 1960, des villes nouvelles, bien reliées par le RER et les autoroutes, ne va pas à l’encontre de cette vision globale. L’objectif principal était de relier toutes les parties de l’agglomération entre elles et avec le centre afin de bénéficier pleinement de « l’avantage métropolitain ».
En théorie, plus le bassin de main-d’œuvre est grand, plus les entreprises peuvent y trouver les salariés dont elles ont besoin, et plus le bassin d’emploi est vaste et unifié, plus les salariés peuvent trouver un emploi correspondant à leur compétence. Dans un foyer, la femme et l’homme peuvent travailler dans des endroits différents et les enfants étudier encore ailleurs. La mobilité par les transports permet de s’affranchir de la mobilité résidentielle ou plutôt d’en changer les motifs. C’est à la fois un progrès quand on la choisit, et très difficile à vivre quand on y est contraint. De surcroît, de plus en plus d’habitants sont à l’écart du « grand réseau magistral de transports » qui court après une métropole devenue trop grande pour lui. Mais surtout, dans cette représentation, rien ne s’oppose à ce que des territoires concentrent l’emploi et les richesses, donc les équipements et les aménités, au détriment des autres. Elle ne permet pas d’appréhender la question de l’inégalité territoriale.
Or le Grand Paris imaginé par le gouvernement Fillon à partir de la politique des clusters, ne prend en compte que cette vision : le métro express relie les clusters Descartes et Saclay avec les aéroports et La Défense, chaque gare doit devenir une centralité tertiaire, souvent aux dépens de centres-villes existants. Il devait en résulter la création d’un million d’emplois … Cette nouvelle rocade va accroître l’interdépendance des territoires traversés avec des effets positifs de désenclavement et de desserte de la première couronne mais aussi, par endroits, un risque de renforcement de la spécialisation fonctionnelle des territoires contre lequel il est indispensable d’avoir une politique d’aménagement basée sur les mixités sociales et fonctionnelles.
Confronté à la réalité, le schéma idéal de la métropole unifiée trouve ses limites dans l’allongement des temps de transports, la spécialisation fonctionnelle et l’inégalité sociale qui ne cessent de se renforcer .
Par ailleurs, la concentration à Paris de ce que la métropole offre de meilleur a engendré une bulle immobilière avec une hausse excessive des prix et des loyers dans les quartiers les plus demandés de Paris et par contagion dans tout Paris. Cette bulle tire vers le haut l’ensemble des prix immobiliers et fonciers de l’agglomération. Comme le montre l’économiste Jean-Michel Roux , ce n’est pas la rareté du foncier qui explique la hausse des prix de l’immobilier mais la hausse des prix de l’immobilier qui fixe le montant possible du prix du terrain. C’est un frein puissant à la construction de logements et aussi à l’installation d’entreprises qui ne peuvent pas payer des loyers élevés. C’est-à-dire les PME, créatrices d’emplois et d’innovations, dispersées à la périphérie (souvent hors des clusters) et les entreprises qui concourent à l’économie résidentielle (50 % des emplois). Une « aristocratie foncière » s’est développée, dans les quartiers ouest de Paris et dans le secteur de La Défense : les investisseurs y espèrent, en plus du rendement locatif, une plus-value sur la valeur du bien immobilier. Cette concentration du tertiaire « supérieur» n’a aucun intérêt économique, mais elle pénalise le reste de la métropole, augmente les coûts de transport et d’infrastructure et interdit l’émergence d’autres centralités. Le schéma théorique de la métropole unifiée voudrait que chacun ait accès à tout et partout. Or, cette fluidité idéale est démentie dans les faits. L’agglomération parisienne est bloquée par sa centralisation excessive . Elle ne peut fonctionner que parce que les deux tiers des actifs de l’Île-de-France ont un emploi à moins d’une demi-heure de chez eux .

DES TERRITOIRES RELATIVEMENT AUTONOMES ET INTERDEPENDANTS : LES POLES-RESEAUX-TERRITOIRES
Ces limites de la représentation dominante nous ont amenés à nous intéresser à la deuxième représentation, celle des territoires interdépendants. Une métropole forme un système de territoires imbriqués. On peut identifier des « bassins » (de vie, d’emploi, de main-d’œuvre) qui composent le territoire d’une métropole, mais ceux-ci ne décrivent qu’une partie des pratiques et des déplacements. Ils n’ont donc pas de limites précises et fermées, et se superposent. La question de la délimitation des bassins (ou sous-bassins) de vie a souvent été posée et a toujours buté sur la difficulté à leur donner un contour précis . La méthode que nous proposons est basée sur la notion de « pôles-réseaux-territoires » (le territoire est défini par des réseaux réunissant des pôles). Les « réseaux » sont ici des flux de déplacements domicile-travail dont la forme et l’intensité caractérisent des territoires qui ne sont donc pas décrits par des limites. À partir d’un traitement des données , nous avons défini une typologie de « Pôles-Réseaux-Territoires » (cf. vidéo), qui nous a permis de représenter l’ensemble de l’Île-de-France en 40 territoires de 50 000 à 500 000 habitants, qui se chevauchent, constituant chacun un « système » composé de communes appartenant à plusieurs catégories, rendant ainsi compte de la complexité d’une métropole. Dans la partie « interstitielle » située principalement en périphérie de l’agglomération centrale, nous avons appuyé notre découpage sur les constructions politiques existantes . Dans la partie centrale, nous avons identifié, par la même méthode, quatre sous-bassins de vie. On peut dire que les 40 territoires forment des « bassins de vie », car une grande partie de leurs actifs y résident, travaillent, consomment, sortent, y ont des loisirs… L’analyse de chacun de ces bassins de vie séparément, de leur aire d’attraction et de leur interdépendance nous a permis de faire plusieurs constatations.

Une dépendance très locale et une interdépendance variée
On constate des phénomènes locaux qui vont parfois à l’encontre des idées reçues : les communes qui envoient leurs actifs à la Défense sont en majorité situées au nord-ouest et à l’ouest de l’agglomération et dans Paris, presque aucune au-delà . Les communes qui envoient plus de 5 % de leurs actifs à Roissy sont toutes situées au nord d’une ligne reliant Garges-les-Gonesse à Lagny-sur-Marne. La zone de dépendance s’étend au nord au-delà des limites de la région, dans l’Oise. Donc, là encore, les flux sont limités à un quadrant de l’agglomération. Paris attire des actifs en proportion importante de toute l’Île-de-France. La zone de dépendance est très restreinte à l’ouest (qui a lui-même beaucoup d’emplois et une forte attractivité) et s’étend beaucoup au nord (Sarcelles, Aulnay-sous-Bois) et à l’est (Noisy-le-Grand) ainsi qu’au sud-est (Yerres, Montgeron, Combes-la-Ville...) révélant un déséquilibre entre l’emploi et les logements. Il faut noter ici que la carte de dépendance à Paris présente des similitudes avec celles du chômage et de la pauvreté. La dépendance est aussi très forte dans les communes limitrophes de Paris (de 30 % à 40 %) mais il s’agit là d’un autre phénomène : ces communes ont des caractéristiques proches des arrondissements parisiens. Les bassins d’emploi échangent beaucoup avec un de leurs voisins, plus rarement avec plusieurs d’entre eux. Là encore on constate le caractère très local des échanges. Quand on compare les sous-bassins d’emploi et les sous-bassins de main d’œuvre on constate que, pour certains, les échanges sont équilibrés voire symétriques (c’est le cas à l’ouest), d’autres déséquilibrés (on travaille fréquemment à Paris quand on habite la banlieue nord, l’est et le sud-est mais on travaille peu dans ces territoires quand on habite à Paris). Les sous bassins d’emploi des villes éloignées de Paris sont souvent dissociés : une partie sur place, une autre à Paris, relié par le RER. Les sous-bassins d’emploi et de main d’œuvre peuvent enfin être orientés différemment, sous-bassin d’emploi vers Paris, sous-bassin de main d’œuvre vers la périphérie.

Des déplacements tous motifs centrés sur le bassin de vie
La portée des déplacements est en moyenne de 5 km à Paris à 15 km en grande couronne pour le domicile-travail ; 2,5 km à Paris à 15 km en grande couronne pour le loisir ; 0, 5 km à Paris à 3, 5 km en grande couronne pour les achats. Les déplacements de loisirs et d’achats se font donc en grande partie à l’intérieur de territoires définis à partir des déplacements domicile-travail, plus longs . À partir de l’Enquête Globale Transport (EGT) réalisée auprès d’un échantillon de la population, qui donne des indications sur le comportement des habitants du territoire mais ne permet pas une exploitation statistique , nous avons cartographié les déplacements pour les motifs autres que domicile-travail (restauration, spectacle, achats, visites, santés, activités autres). Les cartes montrent que la grande majorité de ces déplacements a lieu au sein des « zones intenses », ce qui justifie l’hypothèse que ces zones constituent des bassins de vie. La deuxième destination est Paris surtout pour les bassins les plus proches de la capitale ou les mieux desservis par le RER. Les bassins les plus éloignés viennent moins à Paris, ce qui est logique, et ce sont les bassins dont la population est le plus riche où l’on observe le plus de déplacements vers Paris. On constate que les habitants des communes proches des « zones intenses » se déplacent souvent vers ces dernières pour tous les motifs, à moins qu’elles ne soient contiguës à Paris qui est un attracteur plus fort. Les « zones intenses » ont donc une fonction de centralité pour ces communes dépendantes qui, par conséquent, appartiennent au sous-bassin de vie.

L’absence de centralités au-delà de l’échelle communale
Les bassins de vie existent mais ont-ils un ou plusieurs centres ? Quand on analyse les déplacements pour d’autres motifs que le travail à partir de la commune et non à partir de l’ensemble de la zone intense, on constate que ces déplacements restent en grande majorité à l’intérieur de la commune et très peu vers d’autres communes de la même zone intense. En d’autres termes, même de grands bassins comme Versailles-Saint-Quentin ou Créteil qui comprennent des villes préfectures ou des villes historiques n’ont pas un centre capable de s’imposer aux autres communes. Ces propos doivent être nuancés par une analyse plus fine des déplacements par motif : il est normal que ceux qui concernent l’enfance et l’école, les achats quotidiens, certaines démarches administratives… restent dans la commune.

Une accessibilité interne insuffisante
Les cartes des isochrones réalisées par CDVia montrent qu’il est toujours plus facile et rapide d’aller en transports en commun à Paris que dans une autre commune du bassin de vie. Le système de transports publics est conçu pour les déplacements longs entre Paris et la banlieue ; le réseau local des bus a d’abord une fonction de rabattement vers les lignes RER. Il y a quelques exceptions : le réseau maillé de métro et tramway parisien d’une densité exceptionnelle et quelques transports en commun en site propre de banlieue (le T1 en Seine-Saint-Denis et le réseau TVM dans le Val-de-Marne). La nouvelle rocade ferrée (ligne 15) va relier des centres de première ceinture mais n’aura que peu d’effets sur les déplacements au sein des bassins de vie, elle reste fondamentalement un transport de longue distance. Le réseau de transport de l’Île-de-France, géré par le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif), est en parfaite cohérence avec l’idée de la Grande Métropole et du Grand Bassin de vie ; malgré ses dysfonctionnements il assure une bonne desserte pour les trajets longs et ses infrastructures recèlent souvent des réserves de capacité (RER C et D). Ce qui manque ce sont des réseaux de transports efficaces et rapides organisés en fonction des besoins des bassins de vie et entre les bassins de vie interdépendants. C’est ce niveau de proximité qui est pénalisé ; or il représente de 35 à 55 % des déplacements domicile-travail et plus pour les autres motifs.

Une réalité institutionnelle souvent différente de la pratique des habitants
Il est rare que les découpages politico-administratifs, les limites départementales, les intercommunalités et les contrats de développement territorial (CDT) correspondent aux bassins de vie ou aux « zones intenses ». Versailles et Saint-Quentin-en-Yvelines avec leurs communes dépendantes forment bien une seule ville d’un point de vue fonctionnel mais ce bassin est divisé en deux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), l’un votant à gauche, l’autre à droite ; même chose pour Évry et Corbeil. Néanmoins un mouvement de recomposition s’amorce. Des élus de Paris Métropole défendent l’idée de territoires cohérents par opposition à des intercommunalités « d’aubaine » ou purement politiques. Un CDT réunit Versailles et Saint-Quentin pour la première fois, etc.

LE BASSIN DE VIE : UNE ECHELLE INTERMEDIAIRE ENTRE LA METROPOLE ET LA COMMUNE
Notre approche des Pôles-Réseaux-Territoires basée sur l’étude des déplacements est quantitative et donc propose une description objective mais elle ne suffit pas à rendre compte du sentiment d’appartenance et de la représentation que les habitants ont de leur territoire de vie. Nous l’avons complétée par une enquête qualitative, dirigée par Alain Bourdin sur le territoire du CESO : Centre Essonne Seine Orge (540 000 habitants, 200 000 emplois), situé dans le sud-est de l’agglomération, au sud de l’aéroport d’Orly, sur les vallées de l’Orge, de l’Essonne et de la Seine. Cette enquête a corroboré l’analyse quantitative décrite ci-avant et mis en évidence plusieurs réalités qui lui échappaient. – Les bassins de vie ne suffisent pas à décrire les territoires de vie individuels. Ceux-ci se structurent autour de lieux. Sur le CESO, comme probablement ailleurs en seconde couronne, les bassins d’emploi et les territoires de vie sont particulièrement dissociés. Les bassins de vie identifiés dans l’étude quantitative ne suffisent donc pas à décrire l’ensemble des territoires de vie, même s’ils en font partie. Ces territoires sont structurés principalement par des lieux : les pôles d’emploi, les pôles symboliques, les centres commerciaux, les bases de loisirs, la forêt, les salles de cinéma, les expositions… – Les bassins de vie identifiés par l’étude quantitative correspondent à une représentation mentale partagée. Sur le territoire en question, les bassins de vie identifiés quantitativement sont intéressants ont une signification pour les habitants, même s’ils ne coïncident pas avec leur territoire de vie individuel. Il s’agirait, selon l’enquête, d’une représentation mentale objective et commune réelle. – On distingue clairement trois échelles dans la pratique du territoire : celle de la proximité immédiate, celle dans laquelle on organise son mode de vie, celle qui est liée à l’attractivité. Si la première implique d’abord la continuité spatiale, la deuxième relève d’une spatialité éclatée et ne peut s’appréhender sans prendre en compte la dimension temporelle et l’accessibilité. La troisième, relève principalement des choix, des images et de la connaissance que l’on a de l’offre urbaine. Leur traduction spatiale va en augmentant : du quartier au territoire de vie et au grand territoire du CESO ou du centre parisien.

Penser la métropole à plusieurs échelles
Si les résultats de cette enquête se confirmaient ailleurs en Île-de-France, il serait tout à fait légitime, voire opportun, au stade actuel de constitution de la Métropole de Paris, de proposer aux acteurs politiques locaux les 40 bassins de vie identifiés comme base pour les futurs conseils de territoire. Mais surtout, la question des échelles doit être prise en compte. Peut-être faut-il dissocier l’idée de centralité de l’objet « centre-ville » et identifier les fonctions ou les qualités spatiales qui pourraient être développées dans les bassins de vie plutôt que vouloir que chaque bassin de vie ait un centre regroupant toutes les fonctions. On pourrait raisonner en termes de proximité et d’accessibilité à ces fonctions et les classer en trois échelles de proximité : le quartier ou la commune, le bassin de vie, la métropole. À chaque échelle on peut associer des aménités urbaines et des modes de déplacements. Par exemple l’échelle du quartier correspond à un rayon de 500 à 1 000 mètres dans lequel on doit pouvoir trouver tout ce dont on a besoin au quotidien (achats, équipements scolaires…) en se déplaçant à pied en vélo ou en transport en commun. L’échelle du bassin de vie (100 à 500 000 habitants) doit offrir des services moins fréquents mais importants pour la qualité de vie et l’attractivité du bassin (achats occasionnels, santé, sorties au restaurant, au cinéma, université, etc.). Le mode de déplacement à privilégier devrait être les transports en commun . Or on constate aujourd’hui que c’est massivement la voiture qui est utilisée pour ces déplacements courts pour deux raisons : d’une part les transports en commun internes au bassin de vie sont très insuffisants et sont organisés pour le rabattement vers les lignes de RER ou de train ; d’autre part la voiture est jugée plus confortable pour les déplacements courts alors que son usage quotidien est impossible pour les déplacements longs dans une grande agglomération. Enfin, l’échelle de la métropole permet d’accéder à certains équipements et des aménités urbaines qui n’existent pas à aux échelles inférieures. Pour les déplacements longs en milieu urbain dense les transports en commun s’imposent d’autant que l’accès à Paris est plus difficile pour les voitures particulières.

Centralité-proximité
Ce classement par échelle est schématique mais il donne un cadre de réflexion. Les conditions d’accessibilité aux trois échelles décrites ci-dessus n’existent qu’à Paris et dans quelques centres-villes (Boulogne-Billancourt, Vincennes, Versailles…). Partout ailleurs les fonctions de proximité doivent être développées à l’échelle du quartier et à celle du bassin de vie. À l’échelle du bassin de vie on peut imaginer différentes sortes de centralités. Les villes nouvelles et Créteil ont des équipements récents et nombreux mais il leur manque ce qui fait la vie d’un centre : des rues commerçantes, des espaces publics animés, des restaurants et des bistrots. Ces villes de création récente ne sont pas « finies » : elles ont besoin d’une nouvelle couche d’urbanisation et d’une modification radicale de la morphologie et de l’image de leur centre-ville. Ces transformations sont coûteuses car il faut casser ou aménager des dalles, déplacer ou racheter des équipements vétustes ou des commerces précaires, mais beaucoup d’argent public a déjà été investi dans ces villes. Il faut s’appuyer sur ces acquis (équipements, transports, pôle d’emploi…) et sur des disponibilités foncières encore importantes pour leur redonner l’attractivité et la qualité nécessaire à leur équilibre social et à leur développement économique. Dans d’autres bassins de vie qui présentent une juxtaposition de centralités et d’équipements communaux, on peut imaginer un fonctionnement en réseau, voire l’organisation d’une trame, qui implique une mutualisation des investissements et une bonne accessibilité de chaque centre depuis l’ensemble du bassin. Chaque bassin a ses caractéristiques propres, son histoire, sa relation à Paris, etc. qui impliquent des solutions différentes pour la centralité-proximité. Dans tous les cas on mesure l’intérêt d’avoir une gouvernance appropriée à cette échelle territoriale et on comprend que la dynamique de ces territoires est fortement liée à leur autonomie et au sentiment d’appartenance qu’ils procurent à leurs habitants.

En conclusion, nous pensons qu’on ne peut ignorer le fonctionnement existant de la métropole parisienne : 40 bassins de vie répartis sur l’ensemble de la région Île-de-France, qui la structurent localement, avec des degrés variés d’interdépendance, un faible fonctionnement polycentrique, et un poids écrasant de Paris qui risque pendant longtemps d’empêcher l’émergence de véritables centres secondaires alternatifs. 40 bassins de vie dans lesquels les habitants organisent la plus grande partie de leur vie quotidienne, malgré une accessibilité interne et des aménités insuffisantes. Ces territoires peuvent-ils disposer d’une autonomie en matière de transport, de politique de l’habitat, d’équipement, de développement économique ? Il semblerait normal que l’aménagement urbain soit conçu à cette échelle intermédiaire entre la commune et la Métropole, ce qui n’est pas incompatible avec l’émergence d’une autorité métropolitaine qui fixerait les orientations stratégiques, la péréquation, décide les grands réseaux et les grands projets. Car une métropole se pratique et se gouverne à plusieurs échelles.